Bienvenue sur Earworm
Au programme cette semaine : pourquoi ai-je décidé de polluer votre boîte mail ? Et le charme des chansons d'amour pathétiques de Barbra Streisand.
Bonjour et bienvenue dans “Earworm”, ma newsletter bimensuelle ! Je m’appelle Marie Telling, je suis journaliste et obsédée de pop culture.
Certains d’entre vous me connaissent peut-être grâce aux podcasts AMIES et Peak TV que je co-anime avec Anaïs Bordages, d’autres via mes articles pour le HuffPost, où je suis cheffe de la rubrique société. Je suspecte que la majorité d’entre vous est ici car vous faites partie de ma famille et que j’ai ajouté votre adresse email de force à la liste. Dans tous les cas, merci pour votre lecture ! Je me suis dit que vous auriez peut-être quelques questions, j’ai donc essayé d’y répondre.
Une newsletter ? Vraiment ??
Ayant en ce moment quelques 1267 courriers non lus dans ma boîte de réception, je considère la plupart des emails comme des déchets qui ne méritent pas d’exister. Ceci étant dit, il faut bien que je trouve un endroit pour exprimer mon narcissisme mes opinions. Twitter est mort, Internet est dominé par des algorithmes qui vident chaque contenu de sa personnalité. L’époque des blogs me manque et les newsletters sont ce qui s’en rapproche le plus.
De quoi vas-tu parler ?
Cet espace n’aura pas de ligne édito, si ce n’est celle de parler de mes obsessions du moment. Si celles-ci peuvent être assez variées, elles ont quand même tendance à recouper certains thèmes : la pop culture, les phénomènes Internet, le lifestyle, et, bien sûr, les garde-robes de Cher Horowitz et Fran Fine.
Pourquoi “earworm” ?
J’avais d’abord songé appeler cette newsletter “Obsessions” mais ça faisait un peu trop nom de parfum capiteux. “Earworm”, littéralement “ver d’oreille”, est une image un peu crado pour décrire ces chansons qui rentrent dans nos têtes et refusent d’en sortir. Même si je ne vais pas toujours parler de musique (malgré le thème de ce premier numéro), je me suis dit que ça décrivait bien les lubies passagères que je voulais aborder ici. Et ça me permet de poursuivre la tradition des projets pro au nom imprononçable pour ma grand-mère.
La fierté, c’est surcoté
J’ai toujours eu un gros faible pour les chansons de femmes en colère. Fiona Apple et Bjork sont des constantes dans mes écouteurs, j’adore hurler sur du Alanis Morissette et il se peut que j’ai une playlist intitulée “Trashing men” sur mon Spotify. J’aime les femmes énervées et un poil misandres, et j’aime encore plus les entendre crier dans mes oreilles.
Mais depuis quelques semaines, un nouveau morceau s’est glissé dans mes écoutes : “My Man”, chanté par Barbra Streisand et tiré de la comédie musicale Funny Girl. Si je devais résumer son essence, je dirais que cette chanson est à la fierté féminine ce que Le Frenchie Shore est au bon goût. Pourtant, je la trouve étrangement grisante.
Dans “My Man”, Barbra est, pour reprendre l’une des expressions favorites de ma mère, une “chiffe molle” (avec, certes, énormément de coffre). Loin de se rebeller contre l’homme de sa vie, elle est si résignée dans sa soumission qu’elle semble s’y complaire. “Oh mon homme, je l’aime tant, mais il ne le saura jamais…” sanglote-t-elle. “Quelle différence cela peut faire si je dis que je vais partir, quand je sais que je reviendrai un jour à genoux ?” (Ces paroles sont tellement pitoyables que lorsque j’écoute le morceau sur Spotify, la plateforme me suggère aussitôt un autre classique des femmes désespérées : “Hopelessly devoted to you”, la ballade sirupeuse de Sandy dans Grease.)
Barbra Streisand est une habituée des chansons d’amour pathétiques, ce qui explique peut-être son image de chanteuse pour vieilles dames amatrices de romans à l’eau de rose. Dans son plus grand hit, “A Woman in love”, elle clame “Je trébuche et de je tombe, mais je te donne tout ! Je suis une femme amoureuse et je ferais tout pour te faire entrer dans mon monde et t’y garder !” Si une amie me sortait ces mots au sujet de son mec, je l’attraperais par les épaules et je la secouerais en la suppliant de retrouver un peu de fierté.
Mais la réalité est qu’en amour, nous sommes tous pathétiques, vulnérables et pétris d’insécurités. Alors voir quelqu’un abandonner toute bravade a quelque chose d’exaltant. Et qui mieux que Barbra Streisand pour endosser ce rôle ? Loin des machines à fantasmes hollywoodiennes, la star au physique “un peu déséquilibré” a souvent dû s’asseoir sur sa fierté avec humour. Dans le rôle de Fanny dans Funny Girl, l’idée qu’elle puisse être considérée comme désirable est si risible qu’elle devient un sketch récurrent. Et la scène où elle supplie Robert Redford de rester dîner chez elle dans The Way We Were me fait systématiquement frissonner de gêne. Le brio de Streisand est qu’elle devient d’autant plus attachante et admirable dans ces moments de pathos. Mieux, elle nous rappelle qu’il est parfois bien plus courageux et gratifiant d’être vulnérable que de s’abriter derrière un mur de fierté ⬪
L’histoire derrière “My Man” :
La chanson gagne en complexité quand on la resitue dans son contexte. Morceau final de la comédie musicale, il vient conclure la relation tumultueuse entre Fanny (Streisand) et son mari Nick (Omar Sharif). Nick est un joueur de poker qui préfère plonger dans l’illégalité plutôt que de demander de l’aide à sa femme et qui finit par la quitter à son retour de prison (le film parvient à le rendre malgré tout étrangement sympathique et moral).
L’histoire est inspirée de la vie de Fanny Brice, célèbre actrice des années 1920, mariée à un escroc multirécidiviste et interprète d’un tube de l’époque : “My Man”. Cette version de la chanson est bien plus sombre. C’est la traduction de “Mon Homme”, un morceau français (évidemment) de Mistinguett, qui comporte des paroles du genre :
“Il m'fout des coups ! Il m'prend mes sous ! Je suis à bout mais malgré tout que voulez-vous... Je l'ai tell'ment dans la peau, J'en d'viens marteau. Dès qu'il s'approche c'est fini, Je suis à lui.”
En comparaison, la version de Streisand est presque émancipatoire. La chanteuse a en tout cas fait le choix d’édulcorer le morceau pour le transformer en hymne du chagrin amoureux, plutôt qu’en célébration d’une relation d’emprise.
Mes recos :
Perfect Days (Wim Wenders) : Ce film sur le quotidien bouleversé d’un homme de ménage japonais a beaucoup été décrit comme une œuvre sur les petits plaisirs du quotidien. J’y ai plutôt vu l’histoire d’un homme qui s’est créé une bulle de rituels rassurants pour échapper à ses problèmes de santé mentale. Et du prix qu’il doit payer en se coupant des autres pour se préserver. Bref, comme le résumait mon amie Anaïs “Perfect Days appartient au TOC-cinematic universe” et c’est sûrement pour ça qu’il m’a autant touchée (+ gros kiffe de voir toutes ces toilettes publiques japonaises). Le film passe encore dans quelques salles et je le recommande chaudement.
Jamat (75009) : Mon amie Laurène m’a conseillée d’inclure une recommandation de resto car c’est un sujet sur lequel elle me fait visiblement confiance. Jamat est mon restaurant préféré à Paris. La bouffe est toujours délicieuse (pas forcément végé-friendly, ceci dit), la sélection de vins excellente, et le couple qui se partage les tâches entre la cuisine et la salle est très sympa. Réservation obligatoire, c’est tout petit et ça part vite.
Trashing men : Vous ne pensiez pas que j’allais vous laisser partir sans partager cette playlist ? (Qui contient d’ailleurs un autre classique de Barb, preuve qu’elle n’est pas une icône pour rien)
Salut Marie, super introduction pour ta newsletter ! Je me réjouis d’avance des suivantes, et j’espère que tu prends autant de plaisir à l’écrire que nous à la lire.
C’est marrant parce que je commence tout juste à m’intéresser à Barbra Streisand après la reprise de Memory par une élève de la Star Academy lors du prime de la semaine dernière (bon Millenial que je suis). J’ai toute une playlist à aller écouter.
Dans la catégorie des femmes abandonnant toute fierté pour un homme, je ne peux m’empêcher de penser à Meredith Grey et son « Pick me, choose me, love me » que l’actrice a d’ailleurs tenté de faire retirer du script par tous les moyens tant elle trouvait ça gênant de supplier un homme de l’aimer, en larmes. La scène est pourtant devenue culte.
J'ai une playlist similaire intitulée : "Badass Kittens" :-)