Mais pourquoi "Gladiator 2" est aussi moche ?
Cette semaine dans Earworm : ce que les choix visuels de "Gladiator 2" disent du film (et les œuvres que je trouve les plus belles, mais pas que).
J’ai détesté Gladiator 2. Le scénario est digne d’une mauvaise fan fiction, les dialogues sont bêtes à manger du foin, et le charisme subtil de Paul Mescal est englouti sous le déluge de “grand spectacle”1. Mais c’est l’esthétique sur-numérisée du film qui a vraiment réveillé la rageuse qui sommeille en moi.
L’action s’ouvre sur une bataille navale sous un ciel orageux qui ressemble à un mauvais photoshop. Elle se conclut sur un coucher de soleil digne d’un cliché d’influenceuse Instagram. Tout au long du film, l’image est trop propre, la lumière trop lisse, trop retouchée, de nombreuses scènes respirent l’artifice. J’avais eu le même sentiment face à la première saison des Anneaux de pouvoir, dont les critiques célébraient « l’ampleur cinématographique » et « l’esthétique léchée », mais qui transformait la Terre du Milieu en un jeu vidéo criard.
C’est une question de goût, me direz-vous. Et si j’en crois l’engouement provoqué par le kitsch multicolore du dernier Avatar, qui m’avait agressé les sens et filé une migraine, je suis bien forcée de le reconnaître. Mais j’ai parfois l’impression que des années de filtres Instagram, d’esthétique Marvel et de gamification du cinéma ont endommagé nos rétines (et nos goûts) à tout jamais.
Rassurez-vous, je ne vais pas me transformer en Quentin Tarantino, qui saisit toutes les opportunités pour se plaindre de l’hégémonie, voire même de la simple existence, du numérique, responsable de “la mort du cinéma”. Un film n’a, selon moi, pas besoin d’être tourné sur pellicule pour être beau. Roger Deakins a filmé Skyfall et Blade Runner 2049 en numérique2 (deux films qui prouvent par ailleurs qu’on peut cibler un large public, qui plus est masculin, sans adopter une esthétique lourdingue).
D’ailleurs, un film n’a pas non plus besoin d’être beau. Sa forme doit avant tout servir son fond. Pour Roger Deakins, “les gens confondent ce qui est joli avec de la bonne cinématographie”. C’est ce que martelait Sidney Lumet dans son merveilleux livre Faire un film : “Quand on parle du style comme quelque chose de totalement détaché du contexte du film, cela me rend fou. La fonction définit la forme – cela s’applique aussi aux films.”
Qu’essaye donc de dire Gladiator II à travers ses choix visuels ? Je me trompe peut-être, mais pas grand chose. En tout cas, pas grand chose de l’histoire ou du propos. Ce que cela nous dit, en revanche, c’est que le film est un bon gros produit hollywoodien, avec un bon gros budget, qui veut attirer un bon gros public. Si j’en crois une critique comme celle de France Inter, qui promet aux spectateurs d’être “copieusement servis en effets visuels”, cela suffit malheureusement à certains ⬪
Pour se nettoyer la rétine, voici un petit florilège de films que j’aime beaucoup visuellement, et qui, en plus d’être beaux (je suis superficielle, que voulez-vous), utilisent leur forme au service du fond.

C’est tout pour cette semaine, à très vite !
Pedro Pascal est le seul qui s’en sorte avec les honneurs ; Denzel est Denzel, donc bon malgré tout.
D’accord avec vous sur le ratage esthétique du film … dès la scène d’ouverture j’étais déçue (du carton pâte numérique). Et j’ai aussi pensé au Blade runner 2. Je me sens moins seule.
J'ai failli décrocher avec la scène de football (flashback du protagoniste dans le premier quart d'heure) mais ce qui m'a le plus irrité c'est les deux empereurs lourdingues.