Livres, jeux, podcasts... ou comment s'occuper en post-partum
Cette semaine dans Earworm : les choses que j'ai aimé lire et écouter ces derniers mois.
Sans trop de surprise, ma consommation culturelle a été chamboulée par la naissance de ma fille il y a un peu plus de deux mois. Adieu Fiona Apple et David Bowie1, mes favoris sur Spotify sont désormais “C’est mon doudou” d’Anne Sylvestre et la playlist “Bruit Blanc 10 heures”. Oubliées les soirées télé : quand l’enfant dort enfin à 22 heures, mieux vaut suivre son exemple pour survivre aux premières semaines de post-partum.
Heureusement, cette période n’est pas pour autant dépourvue de culture. Il faut bien s’occuper pendant les longues heures d’allaitement. Avec un gros défi en ce qui me concerne : essayer de lâcher le plus possible mon portable. Sans plus attendre, voici donc une petite sélection des meilleurs livres, podcasts et autres divertissements qui m’ont accompagnée ces dernières semaines.
Personal History de Katharine Graham
J’avais acheté les mémoires de l’ancienne propriétaire du Washington Post il y a quelques années, après avoir vu l’excellent Pentagon Papers, où elle est incarnée par Meryl Streep. Depuis, le pavé traînait sur mes étagères. Quelques semaines après mon accouchement, je me suis enfin décidée à l’ouvrir.
Bien m’en a pris, le livre est passionnant. De son enfance new-yorkaise digne d’un roman de Fitzgerald (un père magnat de la finance et de la presse, une mère intellectuelle, brillante et narcissique), à son implication dans les Pentagon Papers et le Watergate, en passant par ses débuts de journaliste à San Francisco dans les années 1930, Katherine Graham retrace sa vie avec beaucoup de candeur, s’attardant volontiers sur ses doutes et ses regrets. C’est quand elle parle de son mariage avec Phil Graham, président du Post avant elle, qu’elle est la plus touchante, évoquant le charisme de ce proche de JFK, sa bipolarité, mais aussi l’emprise qu’il a exercé sur elle au fil des années, avant son suicide en 1963. L’Américaine détaille la déflagration causée par ce drame, l’émancipation qui a suivi, et la reconquête de son estime de soi grâce à son travail à la tête du Post. De toutes les mémoires que j’ai lues (et je suis assez friande du genre), rares sont celles qui mêlent avec autant d’élégance l’Histoire et l’intime.
New York Magazine
Si j’étais millionnaire et pouvais entreprendre n’importe quel projet, je lancerais un New York Magazine français. Brillant, pop et irrévérencieux, sans rien sacrifier de sa rigueur, le bimensuel new-yorkais est ma référence absolue. Pendant longtemps je me suis contentée d’un abonnement web, mais j’ai fini par sauter le pas et je reçois désormais la version print toutes les deux semaines dans ma boîte aux lettres. A chaque fois, c’est un régal. Mention spéciale à cette enquête déprimante sur la crise que traverse Columbia et à ce papier savoureux sur les grappes de jeunes femmes fans de pilates et de matcha qui ont envahi et aseptisé le (déjà très commercial) West Village.
Cuisines d’Afrique du Nord de Farah Keram, photos de Nina Medioni
Surprise, surprise, je ne cuisine plus beaucoup depuis que j’ai un nourrisson à domicile. Mais je m’évade et je salive grâce au livre de Farah Keram sur les cuisines d’Afrique du Nord. Outre les photos magnifiques et les recettes alléchantes, Farah livre des textes plein de douceur, d’âme et d’intelligence sur ce qui fait le sel des cuisines nord-africaines, sur la place centrale des femmes dans la transmission, et sur le rôle de la nourriture dans le vécu des diasporas. Je l’ai dévoré avec beaucoup de joie et j’ai hâte de tester sa recette de makrouts, qui a l’air excellente et aurait régalé ma grand-mère algéroise.
Les mots croisés du Nouvel Obs
Avant, je trouvais les mots croisés intimidants. Un jeu de vieil intello, inaccessible à ceux qui n’ont pas les bonnes réfs. Mais il se trouve que l’auteur des grilles de l’Obs, Gaëtan Goron, est mon voisin et qu’il est très éloigné de l’image snob et poussiéreuse que je me faisais du jeu. Ma curiosité éveillée, j’ai donc attaqué ses mots croisés et je suis devenue accro, jusqu’à compter les jours avant la parution du prochain numéro. J’ai encore du mal à boucler une grille sans tricher une ou deux fois (ok, trois ou quatre), mais le sentiment d’accomplissement que je ressens quand je résous enfin l’une de ses énigmes est assez grisant pour me maintenir éveillée lors des tétées nocturnes.
Good Hang with Amy Poelher - Philly Justice
Comme toutes les stars en ce moment, Amy Poelher a lancé son podcast2. Etant fan de Parks and Recreation, je ne pouvais pas louper ça. Si je prends toujours plaisir à retrouver la comédienne et ses invités (qui gravitent presque tous autour de la série ou de SNL), je trouve la plupart des épisodes un peu trop fouillis3. Mais celui-ci fait exception.
“Philly Justice” est un nom légendaire chez les fans de Parks and Rec. Tout commence par une photo prise sur le tournage de la série, où Amy Poelher, Adam Scott, Paul Rudd, Rashida Jones et Kathryn Han ressemblent au casting d’un programme judiciaire.
Très vite, les acteurs inventent une série, “Philly Justice”, et s’amusent à créer une biographie à chacun de leur personnage. La blague prend de l’ampleur, jusqu’à ce que les scénaristes s’en mêlent et rédigent un pilote et une bande-annonce qui finira par être filmée sur le plateau de Parks and Rec. L’existence de cette parodie était connue parmi les fans de la sitcom de Mike Schur, qui réclamaient sa diffusion. C’est chose faite dans Good Hang, où Amy Poelher raconte les origines du pastiche, accompagnée notamment de Mike Schur, Adam Scott et Rashida Jones.
Amuse-bouche de Manon Fleury et Zazie Tavitian
Mon amie Zazie cosigne ce cahier de vacances avec la cheffe Manon Fleury. Outre une multitude de jeux autour de la nourriture (reliez les phrases de viandards aux hommes politiques qui les ont prononcées, recréez la recette de la sauce béarnaise ou du ras el-hanout…), le livre regorge d’anecdotes culinaires. On y apprend par exemple que certains fromages ont des bactéries de la même famille que celles présentes sous nos pieds ou nos aisselles (miam !). Et on y pose des questions qui fâchent, comme : ne serait-ce pas un peu réac d’être attaché à l’authenticité de certaines recettes ? (En tant que puriste des pâtes carbo je me sens visée…) Le tout accompagné de plein de recettes de Manon Fleury que j’ai très hâte de tester !
Les anciens épisodes de Reply All
Avant Search Engine, le podcast de PJ Vogt dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises, il y avait Reply All, un programme légendaire sur la culture numérique présenté par l’Américain et son acolyte de l’époque, Alex Goldman. On y retrouve la même curiosité, le même talent d’écriture, et la même capacité à dénicher des sujets uniques. Un peu à court de podcasts à écouter ces dernières semaines, je me suis retournée vers mes épisodes préférés de l’émission. Parmi eux, deux chapitres exceptionnels : une enquête d’Alex Goldman sur les arnaques téléphoniques, qui démarre quand il décide de se prêter au jeu d’un spammeur et se termine par un voyage en Inde ; et une autre de PJ Vogt sur une mystérieuse chanson qu’un homme n’arrive pas à se sortir de la tête, mais que personne d’autre ne semble connaître. Deux bijoux à l’image du meilleur de ce regretté podcast.
Anaïs se fait des films
Promis, je ne suis pas là pour promouvoir les travaux de mes potes, mais le nouveau podcast de mon amie Anaïs Bordages est - objectivement - génial. Tous ceux qui ont déjà rencontré Anaïs, ou l’ont déjà écoutée parler plus de cinq minutes, connaissent sa passion pour le cinéma et pour le Festival de Cannes. Dans ces épisodes, qui mélangent récits, interviews, anecdotes et critiques de films, elle nous entraîne avec elle pour deux folles semaines sur la croisette et dévoile les coulisses du moment le plus important (et le plus stressant) de l’année pour nombre de critiques ciné. Le tout avec énormément de verve et d’humour. Mon épisode préféré est celui sur la tradition du “Raoul” et sur toutes les coutumes secrètes de Cannes.
My Father Prosecuted History’s Crimes. Then He Died in One de Joe Bernstein
Mon ancien collègue Joe Bernstein est l’auteur de l’article qui m’a le plus émue ces derniers mois. Il y revient sur la vie et la mort de son père, Michael Bernstein, qui travaillait pour le département de la justice américaine, où il poursuivait d’anciens criminels de guerre nazis, avant de mourir en 1988 dans un crash d’avion commandité par Mouammar Kadhafi. Alors qu’un homme doit bientôt être jugé pour cet attentat, Joe s’interroge sur notre rapport à la justice et sur l’impact que ce crime a eu sur sa vie. C’est intelligent, mesuré et poignant. La dernière partie, sur son rapport à la paternité après avoir lui-même perdu son père si jeune, est bouleversante.
Je n’ai pas encore pris le temps de découvrir en détail le nouvel album de Pulp, un de mes groupes préférés, mais ce que j’ai entendu me plaît. Dans tous les cas, je suis toujours heureuse d’avoir de nouvelles occasions d’écouter Jarvis Cocker, incarnation du cool anglais. Je vous laisse sur l’un de ses vieux morceaux en solo que j’adore4 et je vous dis à très vite !
Je trouve quand même un peu de temps pour Taylor Swift quand je passe sous la douche.
Il y a un papier à écrire sur l’émergence et l’hégémonie des podcasts de célébrités, une tendance assez déprimante d’un secteur en crise.
Je crois que l’aspect podcast filmé, pensé pour être clippé sur les réseaux, y joue beaucoup, et j’ai le même problème avec celui d’Alice Moitié. Dés qu’on ajoute une caméra en studio, il est très facile de négliger la cohérence sonore, ce qui rend l’écoute exclusive beaucoup moins plaisante.
“I never said I was deep, but I am profoundly shallow” *chef’s kiss*
Toutes mes félicitations !!!! et merci pour les recos. Numéro2 a 3 ans, j'ai enfin VRAIMENT le temps de lire autre chose que les bouquins demandant aucune dispo de cerveau (on va dire que cela explique/excuse les Bridgertons and co des dernières années XD, on fait ce qu'on peut avec le cerveau qu'on a), bref j'ai noté dans un coin les différentes recommandations (yc. des derniers billets) pour le prochain passage à la libraire (j'en ai quelques un (trop!!) de retard à la maison).
Si ça peut aider pour le manque de Bowie and co, ici on n’est jamais passé par la case comptines (on a laissé ca a la nounou/crèche, école), et ça adore de Bowie (aussi!!) à Half moon run, sufjan steven, Jose Gonzalez en passant par Neil Youg, Moriarty Queen, RATM and co et..... (toujours !) Taylor Swift. j'ai vite réalisé qu'ils se détendaient toujours plus sur les morceaux qui me détendaient (apres je passe TOUT le temps de la musique....y compris pendant la grossesse).
J'ai un souvenir clair d'un jour ou j'ai mis assez fort Childs of the universes de Barclay James Harvest (random) pour m'apaiser moi un jour de crise de numéro1 ou je commençais à saturer (oui.... oui...le coup du masque à oxygène a soit avant de le mettre aux autres, tout ça tout ça...) et que le petit s'est éteint en mode ON OFF au bout de quelques mesures... il l'a entendu ensuite un nombre inavouable de fois....
Numéro 2 a décidé que sa chanson a lui (en boucle) pour s'endormir était "life on mars" de Bowie , il avait sa playlist choisie par moi, ce morceau c'est lui qui la choisi, et on est au bord de l'obsession...
On a ralenti sur certains morceaux, comme le jour ou numéro 1 nous a demandé à genre 2-3 ans:"mamannnn c’est quoi une putaaaiinnn?" à la nieme diffusion du port d'Amsterdam de Brel... XD
bref je raconte ma vie de façon non sollicitée XD, déso, j'étais en réunion teams interminable et je n'ai plus de concentration apres 11h30 (faim!!). Donc merci pour ce bol d'air... (comme dans les autres commentaires, il y a eu un certain nombre de podcasts AMIES/PEAKTV ecoutés pendant l'allaitement)
Et bon "cocooning"
Félicitations et newsletter top comme à chaque fois! 💕